[149] EPISTOLA XLIX. DOMINICUS BAUDIUS IOHANNI UTENBOGARDO. Monsieur; Je suis participant en mon ame au dueil, que j'entends estre survenu a celle quo mon coeur ayme par dessus tout ce que j' ay de plus cher en ce monde: tant pour le regard de la tres entiere devotion que je luy ay trouée, qu'en consideration de l'ancienne cognoissance que j'avois avec le defunct monsieur son trescher frere lequel me faisoit cest honneur de me tenir au nombre de ses bons serviteurs, voire de ses familiers amis. Ie n'ose vous importuner en un temps si mal a propos de me vouloir eflargir vostre faveur pour avoir bening accez vers elle: toutes fois l'integrité de ma conscience, & la ferme asseurance que j'ay en vostre naturelle de bonnaireté me faict esperer que vouz ne me desnierez ce signalé benefice, voire avant vostre partement en France. Nam animo cupienti nihil satis festinatur. Ie suis contrainct de confesser que mon indiscretion a besoin de bon conseil, mon impatience de reprimende, & vouz rends grace, de m' en avoir aultrefois serieusement admonesté. Je scay tout ce qui se peult dire touchant l'oportunité de l'occasion, qui est un des principaux points a observer pour conduire a bon & heureux succez les plus belles entreprises, & principalement les exploicts d'amour. In tempore ad dominam venire rerum omnium est primum. Mais d'ailleurs, Monsieur, vous ignorez poinct qu'un feu ne se peut tellement couver ou couvrir qu'il ne se face paroistre ou per fa chaleur, ou par sa clarté. Qui voudrait chercher beaucoup de moderation, de retenue, & de respect en une excessive passion telle qu'est la mienne, nihilo plus ageret, quam si daret operam, ut cum ratione insaniret. N'estre pas une douleur insupportable, un tourment pire que la mort delanguir ainsy que je fais inter sacrum & saxum, entre l'espoir & la crainte, n'osant me presenter devant la face de celle, pour que je vouldrois espandre mon sang: si au preallable je n'ay parole de confort & de soulas que ma venue ne luy sera pas ennuyeuse & qu'elle n'aura pas a desdain l'offre de mon humble service? Monsieur, si j'avois aulcune arrière pensée que ceste mienne familière communication de mes plus intimes désirs vous apportâst quelque mescontentement, ou aulcun prejudice a la dignité de vostre charge, ou amoindrissement de reputation, je respecte & revere tellement les raires dons qu'il a pleu à DIEU vous eslargir, que je tascherois de tout mon pouvoir violenter ma volunté pour ne commettre chose, qui vous puisse ou doibve desplaire. Mais si le ciel me prepare tant de bien pour vostre honneste entremise, que ma n'es agitée puisse jamais arriver au port de bonne espérance, je m'asseure que vous n'en recevrez ny regret ny reproche, ains une infinité de remerciements tant d'une part que d'aultre. Sed sufflaminandus sum, fateor. Nimis enim patior me abripi ab impotenti desiderio. Il me suffit pour le present, que je puisse obtenir favorable audience ou de bouche ou par escript. Viva vox, & praesentia Turni haberet aliquid •ελκυστικωτερον• & efficacius ad perrumpendum ferreum illud pectus. Sed in recenti luctu vereor ne parum auspicatus esset amatoris adventus. Toutesfois, Monsieur, je vous supplie de croyre que j'ay tellement la craincte du seigneur devant les yeux que je ne vouldrois pour chose du monde luy tenir aulcun aultre propos que plein de tout honneur & de reverence. Ce ferait pecher contre le debvoir d'humanité, contre la raison naturelle, contre le sens commun, contre le saincte, la chaste & loyale affection que je luy porte. Combien que j'ay moy mesme grand besoin de consolation en mes ennuys aultant, qu'homme qui vive, si est ce que je tascherois luy representer selon ma petite portée les raisons & meditations qui peuvent servir de soulagement aux ames desolées veu la tristesse ou elle est à cause du trespas de son tres cher frere. Tuus •εχ ολης της καρδιας Κυριακος ο Βαυδιος• |